Le monde du jeu vidéo, longtemps perçu comme un simple loisir, est aujourd’hui un pilier de la culture populaire et de l’industrie du divertissement. Pourtant, malgré cette expansion, le sexisme demeure une problématique majeure au sein de la communauté Gaming et dans l’e-sport. Ce sexisme s’exprime à travers plusieurs aspects : la représentation des femmes dans les jeux, le harcèlement en ligne et la discrimination dans les compétitions. Cet article s’appuie sur des études récentes pour explorer cette réalité, en mettant en lumière les causes et les impacts du sexisme, ainsi que les pistes de solutions envisagées.

Représentation des femmes dans les jeux vidéo : entre stéréotypes et invisibilisation
Historiquement, l’image de la femme dans les jeux vidéo a été marquée par une hypersexualisation et un rôle secondaire par rapport aux personnages masculins. En effet, au cours des années 1980-1990 a débuté le développement de personnages féminins stéréotypés comme par exemple Lara Croft® (Crystal Dynamics). En parallèle, le milieu de l’industrie du jeu vidéo s’est masculinisée et les créateurs de jeux vidéo ont ainsi crée des jeux pour les « hommes ». Il est ainsi mis en évidence que cette représentation stéréotypée a influencé et influence toujours la perception des femmes dans l’industrie du jeux vidéo et contribue à renforcer des attitudes sexistes au sein de la communauté. Toutefois, des progrès ont été réalisés ces dernières années avec des titres comme The Last of Us Part II® et Horizon Zero Dawn®, qui mettent en avant des héroïnes fortes et indépendantes.
Le manque de protagonistes féminins dans les jeux Triple A (AAA), c’est à dire les jeux vidéo dotés des budgets de développement et de promotion les plus élevés, accentue cette problématique.
De plus il existe une perception des femmes comme “intruses” dans l’univers du Gaming persiste, notamment dans l’e-sport (sport électronique), où elles sont largement sous-représentées. Les joueuses sont fréquemment perçues comme moins compétentes, même lorsqu’elles affichent des performances similaires à celles de leurs homologues masculins.
Sexisme et harcèlement en ligne : une culture toxique ancrée
Le harcèlement en ligne constitue un obstacle majeur à l’inclusion des femmes dans les jeux vidéo compétitifs et les plateformes multijoueurs. Le sexisme persiste dans les pratiques de jeu, notamment au sein des plateformes de jeu, comme Twitch®, mais aussi dans certains types de jeu comme les FPS : Counter-Strike : Global Offensive® ou les MOBA en ligne comme League of Legends® (LOL) sont régulièrement cités comme des environnements propices au harcèlement sexiste.
De nombreuses plateforme sont ainsi devenus des espaces où la misogynie et la transphobie sont monnaie courante. Les insultes sexistes, les menaces et les campagnes de harcèlement ciblé sur les réseaux sociaux et les plateformes de streaming sont des pratiques fréquentes à l’encontre des femmes qui osent se faire une place dans des jeux compétitifs.
Un autre phénomène est mis en lumière qui est le “gatekeeping”, qui consiste à exclure les femmes en les discréditant systématiquement ou en minimisant leurs performances. Ce phénomène est renforcé par les préjugés des joueurs masculins, qui associent inconsciemment la compétence aux hommes et la moindre performance aux femmes, comme le révèle les analyses des interactions sur Twitch® et Discord®.
L’e-sport, un bastion masculin difficile à intégrer
L’e-sport est l’un des domaines où le sexisme est le plus marqué. Les femmes y sont sous-représentées non seulement en tant que joueuses, mais aussi en tant que commentatrices et analystes. Il est ainsi mis en évidence des difficultés pour les joueuses professionnelles d’obtenir des sponsors et de se faire une place dans les grandes compétitions. Le manque d’équipes mixtes et la création de ligues exclusivement féminines sont des solutions qui divisent la communauté. Si elles permettent aux femmes de concourir dans un cadre moins hostile, elles renforcent également l’idée que les femmes ne peuvent pas rivaliser avec les hommes dans les compétitions de haut niveau.
Les joueuses les plus talentueuses hésitent à dénoncer ouvertement le sexisme, de peur d’être encore plus ostracisées. Cette situation contribue à perpétuer un climat d’intimidation qui freine l’émergence d’une nouvelle génération de gameuses professionnelles.
Vers un avenir plus inclusif ?
Malgré ces constats alarmants, des progrès sont observables. De nombreux studios, notamment Ubisoft®, Naughty Dog® et CD Projekt Red®, ont entrepris des efforts pour améliorer la représentation des femmes dans leurs jeux et lutter contre la toxicité en ligne. Les plateformes de streaming comme Twitch® et YouTube Gaming® ont également mis en place des mesures pour sanctionner le harcèlement.
TikTok® est devenu un outil de revendication pour les joueuses, qui y partagent leurs expériences et dénoncent les comportements sexistes. Cette prise de parole contribue à briser le silence et à sensibiliser un public plus large.
La médiatisation des femmes dans l’e-sport, par le biais de tournois et de documentaires, peut contribuer à normaliser leur présence et à réduire les préjugés.
Exemple très récent de Samuel Etienne (Twitch) qui est désormais un joueur régulier de Valorant®, qui a organisé les Valkyries Games, une compétition dédiée aux joueuses sur le FPS de Riot Games®.
Conclusion
Le sexisme dans les jeux vidéo est un problème complexe qui ne se limite pas à la simple toxicité des joueurs en ligne. Il s’inscrit dans une structure plus large qui englobe la conception des jeux, la culture du gaming et les dynamiques économiques de l’e-sport. Si certaines évolutions sont encourageantes, le chemin vers un gaming véritablement inclusif reste long. Une approche systémique, combinant sensibilisation, régulation et engagement des acteurs de l’industrie, est essentielle pour faire du jeu vidéo un espace où chacun peut jouer sans crainte ni discrimination.
Références :
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Remarques : ces études apportent une meilleure compréhension du sexisme dans les jeux vidéo mais il existe des biais méthodologiques Des biais d’échantillonnage car de nombreuses études se concentrent sur des communautés spécifiques comme celles des joueurs d’e-Sport ou des forums en ligne, qui ne représentent qu’une partie de l’ensemble des joueurs. Cela peut donner une vision exagérément négative du phénomène. Certaines études établissent un lien direct entre l’exposition aux jeux vidéo et l’adhésion à des stéréotypes sexistes, sans forcément prouver que l’un entraîne l’autre. Les facteurs sociaux et éducatifs jouent probablement un rôle clé qu’il est difficile d’isoler. Il est donc nécessaire de compléter ces études par des recherches longitudinales et plus diversifiées, incluant des analyses sociologiques plus poussées.@medecingeek