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Brawl Stars® : un jeu de poche qui rend accros les ados (et vides les cartes bancaires)

Par le MédecinGeek
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Je vois régulièrement des parents inquiets. Leurs adolescents, parfois très jeunes, passent des heures sur un jeu coloré et frénétique, Brawl Stars®, au point d’en négliger l’école, le sommeil, ou même les repas. Les disputes deviennent quotidiennes, les portables sont confisqués, mais rien n’y fait : le jeu revient, s’impose, obsède. Alors, comme souvent quand une pratique numérique devient source de tension familiale, j’ai décidé de tester moi-même. Pas juste en lisant des articles. Non : j’ai installé le jeu, j’ai incarné un Brawler, j’ai combattu, perdu, gagné, et relancé une partie… encore et encore. C’est ce que je fais sous mon avatar MedecinGeek : plonger dans les mondes numériques pour mieux en comprendre les mécaniques et les impacts. Et très vite, j’ai compris pourquoi ce jeu plaît tant. Et pourquoi il peut aussi devenir un piège.

Mais c’est quoi, Brawl Stars ?

Sorti en 2017, développé par le studio finlandais Supercell, Brawl Stars® est un jeu vidéo exclusivement disponible sur téléphone mobile. Et à en croire les chiffres récents, il continue de cartonner. En juin 2025, on estimait à plus de 73 millions le nombre de joueurs dans le monde. Rien que ça.
Le jeu se joue en ligne, en temps réel, et attire massivement les 9-14 ans, bien que les conditions générales en limitent l’accès aux plus de 13 ans. Ce décalage n’est pas anodin. Car si, en apparence, Brawl Stars® semble n’être qu’un petit jeu coloré, simple et rapide, il repose sur des mécaniques puissamment addictives.

Un jeu pensé pour le téléphone… et pour captiver

Premier élément marquant : Brawl Stars® est un jeu “mobile-only”. Pas de version PC ou console. Ce choix n’est pas anodin : cela signifie qu’il peut être lancé partout. Dans la cour de récréation. En cachette sous la couette. Dans le bus. À table. Il suffit d’une connexion internet et d’un pouce.

Le principe est simple : on choisit un personnage, appelé “Brawler” (combattant), chacun avec ses compétences spécifiques, puis on se lance dans des affrontements rapides contre d’autres joueurs, dans ce qu’on appelle des modes PvP (Player versus Player, soit joueur contre joueur). Parmi les plus populaires : le mode “Survivant”, une forme de battle royale (affrontement à plusieurs où seul le dernier reste en vie), ou encore “Balle Brawl”, un mélange étrange mais captivant de football et de combat.

Chaque partie dure à peine deux ou trois minutes, mais le système est conçu pour qu’on en relance immédiatement une autre. Pourquoi s’arrêter quand on peut “faire mieux”, “récupérer ses trophées”, ou “débloquer une récompense” ?
Brawl Stars® est gratuit au téléchargement et c’est précisément ce qui fait sa force… et sa zone grise...

Une gratuité bien relative : la mécanique des gemmes et des loot boxes

Comme beaucoup de jeux dits “freemium”, Brawl Stars® repose sur un modèle économique redoutablement efficace.
On peut progresser sans payer, certes mais très, très lentement. Alors pour aller plus vite, débloquer un nouveau Brawler ou obtenir un skin (apparence cosmétique d’un personnage), le jeu propose des achats intégrés. On peut acheter des gemmes (la monnaie du jeu), sous forme de packs allant de quelques euros… à plus de 119,99 €.
Autre mécanique-clé du jeu : les « loot boxes« , ces coffres à récompenses aléatoires. On ne sait jamais ce qu’on va obtenir, mais plus on en ouvre, plus on a de chances d’avoir du contenu rare. Pour un Brawler légendaire, il faut parfois plus de 1 400 coffres. Ce système, très proche des jeux de hasard, joue sur l’excitation de la découverte et la frustration de l’échec. L’addiction ne se cache pas : elle est programmée.

Pourquoi Brawl Stars rend-il accro ?

Le secret, c’est la boucle de récompense rapide. : Je joue → je gagne (ou je perds) → je suis récompensé → je veux rejouer.
Ajoutez à cela une montée d’adrénaline à chaque victoire, un système de progression visible (trophées, classement), et vous obtenez une machine bien huilée pour stimuler la dopamine, cette molécule du plaisir… mais aussi de la dépendance.
L’identification au personnage joue aussi un rôle. Chaque joueur incarne un Brawler à son image, parfois avec une reconnaissance dans le jeu qu’il n’a pas dans la vie réelle. Pour certains jeunes en manque de confiance, c’est un exutoire puissant.
Enfin, Brawl Stars® est un jeu social : on peut rejoindre un club (guilde de joueurs), chatter avec les autres, organiser des mini-compétitions. Ainsi, si je ne joue pas pendant que mes amis avancent… je suis en retard… et je dois les “rattraper”. Alors on relance une partie. Puis une autre. Puis encore une autre.

Pourquoi est-ce un jeu à haut risque ?

Ce n’est pas le jeu en soi qui pose problème, mais la combinaison de plusieurs facteurs : des parties très courtes mais sans fin, une compétition permanente, une accessibilité maximale (mobile), un système de progression qui favorise la dépense, une reconnaissance sociale virtuelle qui peut remplacer celle du monde réel, une économie sans limite claire, sans plafond de dépense, sans garde-fou parental.

Dans le service d’addictologie pour adolescents, du Dr Olivier Phan à Sceaux, Brawl Stars arrive en tête des jeux les plus problématiques, au coude-à-coude avec Roblox et Fortnite. Le jeu est pensé pour occuper l’espace mental, social, affectif. Et pour certains jeunes, c’est la seule activité qui reste.

Que faire quand un adolescent joue trop ?

La première étape, c’est d’observer sans diaboliser. Un enfant qui joue n’est pas forcément dépendant. Mais un enfant qui ne fait plus que ça, qui s’énerve à l’arrêt du jeu, qui s’isole, décroche à l’école, ou qui refuse de venir dîner… mérite une attention particulière. Ensuite, il faut recréer un cadre clair.
Cela peut passer par une limitation du temps de jeu, adaptée à l’âge, des discussions régulières sur ce qui plaît dans le jeu, la désactivation des achats intégrés et la surveillance des dépenses, la pratique du jeu en famille ou en fratrie, sur un écran commun, pour réduire l’isolement et surtout… l’exemplarité parentale : un adulte qui scroll toute la soirée aura du mal à faire passer un message...

Conclusion

Brawl Stars® est un jeu brillant. Il est bien pensé, dynamique, souvent drôle. Il stimule la stratégie, la coordination, le réflexe. Mais il est aussi un produit commercial redoutable, conçu pour garder l’enfant dans la boucle, l’inciter à dépenser, et occuper son attention au détriment d’autres activités. Il n’est pas question de l’interdire à tout prix. Mais de le comprendre, pour mieux l’encadrer. De l’expliquer, pour mieux en parler. Et surtout, de redonner aux enfants la liberté de jouer… sans se faire piéger…


Références :


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