À l’ère du numérique omniprésent, les enfants grandissent dans un univers saturé d’écrans. Télévision, tablettes, smartphones, ordinateurs s’invitent dans leur quotidien, parfois dès les premiers mois de vie. Si ces outils peuvent être formidables, encore faut-il apprendre à s’en servir… et à s’en passer. Pour guider les parents et les enseignants dans cet apprentissage progressif, le psychiatre Serge Tisseron a proposé dès 2008 une règle simple et efficace : 3-6-9-12 enrichie depuis, d’une réflexion sur les usages créatifs, critiques et partagés du numérique. Ce chapitre présente les grandes recommandations issues de ce modèle, véritable balise éducative pour aider les enfants à grandir avec les écrans sans s’y perdre. Par la suite une synthèse sera réalisée sur les différentes recommandations internationales et françaises. Il s’agit moins d’interdire que d’apprendre à réguler, à choisir les bons moments, les bons contenus et à préserver l’essentiel : le lien humain, le mouvement, le repos et l’équilibre.
Avant 3 ans : Aucun écran, tout se joue dans la relation
Le jeune enfant a besoin de tout son temps, de toute son attention et surtout de contacts humains riches pour construire ses repères sensoriels, affectifs et sociaux. L’exposition aux écrans (même en bruit de fond) perturbe ses apprentissages précoces et nuit à la qualité des interactions.
Recommandations clés :
- Bannir totalement les écrans (TV, tablette, téléphone) dans cet âge crucial.
- Privilégier les histoires racontées, les comptines chantées ensemble, le jeu à deux.
- Pas d’écran pour « calmer » l’enfant.
- Pas d’écran dans la chambre.
De 3 à 6 ans : Des repères clairs, un usage accompagné et encadré
L’enfant commence à développer ses capacités manuelles et motrices. Il peut découvrir certains contenus numériques adaptés, à condition que cela reste encadré, partagé, et toujours en alternance avec d’autres activités essentielles au développement.
Recommandations clés :
- Fixer des règles précises sur le temps d’écran (maximum 1h par jour).
- Respecter strictement les âges indiqués pour les programmes.
- Jamais d’écrans pendant les repas ou avant le sommeil.
- Utiliser les écrans comme support de création partagée, pas comme baby-sitter.
- Pas d’écran dans la chambre.
De 6 à 9 ans : Éducation aux images et accompagnement critique
L’enfant apprend les règles du vivre ensemble, développe ses capacités de compréhension et de réflexion. Il peut être initié aux images numériques et à Internet, mais toujours avec un adulte à ses côtés.
Recommandations clés :
- Pas de console de jeu personnelle avant 6 ans.
- Accompagner systématiquement la navigation Internet (Contrôle parental).
- Enseigner les trois règles de base du numérique :
- 1 Tout ce qu’on publie peut devenir public.
- 2 Tout ce qu’on publie peut rester en ligne pour toujours.
- 3 Tout ce qu’on lit ou voit sur Internet doit être vérifié.
- Encourager la création (dessins, photos, montages).
- Sensibiliser aux notions d’intimité, d’image, de droit.
De 9 à 12 ans : Vers une autonomie surveillée et dialoguée
L’enfant entre dans une phase d’exploration plus autonome du monde. Il peut commencer à accéder à Internet seul, selon les règles fixées en famille, et à condition qu’un dialogue ouvert soit instauré.
Recommandations clés :
- Déterminer ensemble l’âge d’obtention du premier téléphone mobile.
- Accompagner la gestion du temps d’écran et la diversité des usages (jeux, devoirs, réseaux).
- Parler ouvertement de ce que l’enfant voit et fait en ligne.
- Rappeler régulièrement les trois grands principes d’Internet.
- Expliquer les risques liés à la surexposition (désinformation, contenus inadaptés, dépendance).
Après 12 ans : Responsabilisation progressive et dialogue continu
L’adolescent revendique son indépendance. Il navigue seul sur Internet, participe aux réseaux sociaux. Il est donc essentiel de renforcer la co-construction des règles d’usage, tout en préservant sa sphère privée et en maintenant un espace de dialogue bienveillant.
Recommandations clés :
- Fixer ensemble les horaires d’usage, notamment en soirée.
- Parler sans tabou de téléchargement illégal, plagiat, pornographie, harcèlement en ligne.
- Couper le Wi-Fi et éteindre les appareils numériques la nuit.
- Ne pas devenir « ami » de son enfant sur les réseaux, mais parler de ses pratiques numériques.
- Valoriser ses productions créatives numériques, encourager les projets collaboratifs.
Et au-delà : Vers une culture numérique partagée
L’usage du numérique doit s’intégrer dans une éducation globale, où l’enfant apprend aussi à s’auto-réguler, à alterner les activités avec ou sans écrans et à développer une posture critique. Les institutions éducatives peuvent favoriser cette éducation aux médias, via :
- Des ateliers de création numérique.
- Le développement de l’empathie à travers des jeux de rôle.
- L’organisation de rencontres intergénérationnelles autour des écrans, au sein des écoles ou quartiers.
Les recommandations internationales
Les principales organisations internationales, telles que l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’American Academy of Pediatrics (AAP) ou encore l’UNICEF s’accordent sur des repères clairs concernant l’exposition aux écrans, en particulier chez les plus jeunes. L’OMS recommande d’éviter totalement les écrans avant l’âge de deux ans, et de ne pas dépasser une heure par jour entre deux et quatre ans, en soulignant que « moins, c’est mieux ».
De son côté, l’AAP affine ces balises : pas d’écran avant 18 mois, sauf pour des appels vidéo en famille ; une introduction prudente entre 18 et 24 mois, uniquement si elle est accompagnée et commentée par un adulte ; puis un temps limité à une heure par jour jusqu’à 5 ans, avec des contenus de qualité et toujours partagés avec un parent. À partir de 6 ans, il s’agit davantage de fixer des limites raisonnables sur la durée, les contenus et les horaires, en préservant le sommeil, l’activité physique et les moments en famille. L’AAP encourage aussi la création d’un « plan média familial » pour co-construire les règles.
L’UNICEF complète ces repères en insistant sur l’importance d’un accès sécurisé à Internet, mais aussi sur le droit à la formation numérique des enfants. Ceux-ci doivent apprendre à comprendre, trier, analyser et créer à travers les outils numériques dans une logique de participation, de citoyenneté et de sécurité. Ces approches internationales posent ainsi les bases d’un usage raisonné, équilibré et éducatif des écrans dès le plus jeune âge.
Les recommandations françaises
En France, les recommandations issues d’institutions telles que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), la Haute Autorité de Santé (HAS), Santé publique France, l’INSERM, ou encore des acteurs engagés comme l’Union Nationale des Associations Familiales (UNAF) viennent compléter et contextualiser ces repères en insistant sur les réalités du terrain.
L’ANSES préconise une absence totale d’écran avant deux ans et attire l’attention sur les risques associés à une exposition précoce et prolongée : troubles du sommeil, retards de langage, difficultés d’attention et de développement cognitif. Elle recommande d’éviter les écrans le matin avant l’école, pendant les repas et avant de dormir.
La HAS va dans le même sens, en soulignant la nécessité de co-regarder et de commenter les contenus et en encourageant la création de routines familiales sans écran. Santé publique France alerte sur la sédentarité liée aux écrans de loisir, qui devraient être limités à deux heures par jour pour les enfants comme pour les adultes.
L’INSERM, de son côté, met en lumière les effets délétères de l’usage passif des écrans sur la réussite scolaire, la mémoire de travail, le langage et plaide pour un environnement familial riche en échanges, en jeux et en stimulation non numérique.
L’UNAF rappelle que les règles ne doivent pas être imposées unilatéralement mais co-construites, et que les adultes doivent incarner les comportements qu’ils souhaitent transmettre. Enfin, Serge Tisseron propose une pédagogie structurée autour de trois principes fondamentaux : l’accompagnement des usages, l’alternance des activités avec et sans écran, et l’apprentissage de l’autorégulation.
Ces recommandations convergent vers une idée forte : il ne s’agit pas de diaboliser les écrans, mais de leur redonner une place raisonnée dans une vie familiale équilibrée, faite de mouvements, de paroles, de créativités et de liens humains.
Conclusion
Le modèle de Serge Tisseron a l’immense mérite d’être accessible, souple et pédagogique, avec des repères clairs. Il est centré sur la relation, ce qui le rend très humain et pertinent pour des parents souhaitant accompagner plutôt qu’interdire. Les recommandations institutionnelles (OMS, ANSES, etc.) apparaissent peut-être trop théoriques ou rigides pour le quotidien des familles qui peinent à valoriser les bons usages.
Références :
- Organisation Mondiale de la Santé (OMS) – Recommandations sur l’activité physique, la sédentarité et le sommeil chez les enfants de moins de 5 ans (2019)
>>> Lien - American Academy of Pediatrics (AAP) – Recommandations pour les médias numériques (2016, actualisées)
>>> Lien - ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire – France) – Expertise sur les expositions aux écrans (2022)
>>> Lien - UNICEF – « Grandir dans un monde numérique » (rapport 2017)
>>> Lien - Santé publique France – Enquête Baromètre 2020 et repères de prévention
>>> Lien - HAS (Haute Autorité de Santé) – Fiche repère sur l’usage des écrans chez les jeunes enfants (2022)
>>> Lien - Inserm – Synthèse d’études scientifiques sur les effets des écrans (2021)
>>> Lien - UNAF (Union Nationale des Associations Familiales) – Guide « Familles et écrans » (2021)
>>> Lien - Serge Tisseron – Article “Accompagner les jeunes avec les écrans” (site officiel)
>>> Lien - Site officiel 3-6-9-12+
>>> Lien - France Inter – Émission « Grand bien vous fasse » avec Serge Tisseron (2022)
>>> Lien - Le Monde – Article « Ce que disent vraiment les études sur les écrans » (2021)
>>> Lien - France Télévisions Info – Dossier “Écrans : comment fixer des règles en famille” (2023)
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A télécharger :
- Téléchargement des affiches et Flyers 3-6-9-12+
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