Depuis plusieurs décennies, les jeux vidéo sont au cœur d’un débat passionné sur leur impact présumé sur le comportement des joueurs. Peuvent-ils favoriser des actes violents dans la vie réelle ? Ce questionnement s’est intensifié au fil des faits divers et encore très récemment, souvent médiatisés, dans lesquels les jeux vidéo ont été pointés du doigt. Toutefois, la communauté scientifique reste divisée sur la question. Dans cette analyse, nous explorons les principaux faits divers liant jeux vidéo et violence, les recherches scientifiques sur le sujet, ainsi que les nuances essentielles à prendre en compte.

Violence et jeux vidéo : Faits divers et stigmatisation médiatique.
Les médias évoquent souvent l’utilisation de jeux vidéo violents comme une cause possible des homicides de masse. Ils citent les habitudes de jeu des auteurs de crimes comme une motivation à commettre leurs actes.
Cette approche a débuté en 1999 au États-Unis lors de la tuerie de Columbine où les auteurs de la fusillade, âgés de 17 et 18 ans, étaient connus pour jouer Doom® et Wolfenstein 3D®. Cet événement a propulsé les jeux vidéo dans les discussions politiques et médiatique.
En 2004 en Angleterre un adolescent britannique, amateur d’un jeu vidéo très violent, Manhunt® (jeu vidéo d’infiltration et d’action de type survival horror), s’était armé d’un couteau et d’un marteau et avait attiré un camarade dans un parc de Leicester avant de l’attaquer très brutalement en imitant, selon certains, les mécanismes du jeu.
D’autres événements tragiques aux États-unis comme la fusillade d’Aurora (2012), le massacre de Sandy Hook (2012) et celui de la base navale de Washington (2013) ont entraîné la mise en cause de jeux vidéo violents.
En Allemagne en 2016 la Fusillade de Munich dans un centre commercial avait mis en évidence que l’assaillant de 18 ans était un joueur assidu de jeux de tir,
Enfin très récemment en France en 2025 où une collégienne de 11 ans a été poignardée par un voisin de 23 ans, qui a prétendu avoir agi sous l’effet de la colère après une défaite à Fortnite®.
Les pouvoirs publics s’emparent du sujet.
Ces faits divers ont renforcé la perception selon laquelle les jeux vidéo pourraient favoriser des comportements violents, conduisant les pouvoirs publics à s’emparer du sujet.
En 2005, aux États-Unis les jeux vidéo sont ainsi au cœur d’une controverse alimentée par des figures comme Jack Thompson, un avocat américain qui tente, sans succès, d’imputer des crimes à Grand Theft Auto® et à l’éditeur Rockstar Games. En parallèle, Hillary Clinton propose une loi visant à restreindre la vente des jeux violents aux mineurs et à renforcer le contrôle du système de classification Entertainment Software Rating Board (ESRB), affirmant que les jeux vidéo devraient être traités comme le tabac, l’alcool et la pornographie. Finalement, la proposition de loi échoue et le débat s’essouffle.
En France en 2008, le même titre Grand Theft Auto® (GTA), est régulièrement critiqués par des personnalités politiques. Ainsi , la secrétaire d’État chargée de la Famille, Nadine Morano, a exprimé ses inquiétudes concernant Grand Theft Auto® IV, qu’elle a qualifié de violent, amoral et potentiellement addictif. Elle a appelé les parents à la vigilance face à l’influence de ce jeu sur les adolescents, soulignant que son gameplay repose sur des activités criminelles comme le trafic de drogue, les braquages et les assassinats.
Les études scientifiques : que disent-elles ?
L’étude de l’American Psychological Association (APA) sur la violence dans les jeux vidéo a publié en 2020 un travail très complet en constituant un groupe de travail sur les médias violents et a ainsi réévalué la littérature les plus récentes depuis 2005, concernant la violence dans les jeux vidéo et les médias interactifs en menant une revue exhaustive des études existantes. Son objectif était de mettre à jours les connaissances scientifiques et réévaluer ainsi son travail datant de 2015. Ce nouveau travail permet ainsi d’avoir une évaluation complète et équilibrée des liens possibles entre l’exposition aux jeux vidéo violents et les comportements agressifs, en s’appuyant sur les meilleures méthodes scientifiques disponibles.
Les jeux vidéo font partie du quotidien de la majorité des enfants et adolescents : plus de 90 % des jeunes aux États-Unis et en France y jouent régulièrement, y compris des jeux contenant des scènes de violence. Cette exposition suscite des inquiétudes légitimes, en particulier chez les parents.
Depuis plus de vingt ans, des chercheurs ont étudié les effets des jeux vidéo violents. Plusieurs études ont trouvé un lien entre l’exposition aux jeux violents et une augmentation de l’agressivité, sous forme de pensées, d’émotions ou de comportements hostiles. Cela signifie que certains joueurs peuvent temporairement être plus irritables ou enclins à des comportements agressifs comme des insultes ou des bousculades. Cependant, les effets observés restent modérés et ne conduisent pas à des actes criminels graves. De plus, ces recherches montrent également une diminution de l’empathie et des comportements prosociaux chez les joueurs exposés de manière excessive à des jeux violents.
En revanche, il n’existe aucune preuve scientifique solide montrant que les jeux vidéo violents sont responsables de crimes comme les fusillades de masse. La violence est un phénomène complexe qui dépend de nombreux facteurs sociaux, psychologiques et environnementaux. Attribuer ces actes aux jeux vidéo détourne l’attention des véritables causes.
Violence et agressivité : une distinction importante à faire
Il est essentiel de comprendre que toute violence est une forme d’agression, mais toute agression n’est pas nécessairement violente. Les chercheurs en psychologie définissent l’agression comme toute action visant à nuire à autrui (ex. insulter, bousculer), alors que la violence implique une utilisation intentionnelle de la force physique avec un risque élevé de préjudice. Les jeux vidéo peuvent influencer le premier type de comportement, mais aucune étude ne prouve qu’ils poussent à la violence extrême.
Jeux vidéo et violence : que peut-on conclure ?
Les jeux vidéo violents ne sont pas directement responsables des actes criminels, malgré leur présence dans certains faits divers. D’autres facteurs, comme des troubles psychologiques ou un passé violent, jouent un rôle bien plus déterminant dans le passage à l’acte. Les études scientifiques constatent une augmentation temporaire de l’agressivité, mais aucune ne démontre un lien causal avec la criminalité. Par ailleurs, les jeux vidéo font l’objet d’une sur-attention médiatique, alors que la violence est tout aussi présente dans d’autres industries culturelles, comme le cinéma ou la littérature. Si les jeux vidéo violents peuvent influencer l’humeur et le comportement de certains joueurs sur une courte durée, ils ne constituent pas une menace directe. Il est néanmoins conseillé aux parents de surveiller le contenu des jeux, d’encourager des pauses régulières et d’instaurer un dialogue avec leurs enfants afin d’assurer un usage équilibré et adapté.
Références :
- Il y a 20 ans, la tuerie de Columbine choquait l’Amérique. Le Monde. 2019
>>> Lien - Meurtre : Perpétuité pour un crime inspiré par un jeu vidéo. La Dernière Heure. 2004
>>> Lien - Meurtre de Louise : le suspect avait abordé une autre collégienne dans le même secteur le 4 février. Le Parisien. 2025
>>> Lien - Can We Forgive Hillary Clinton For Her Past War On Video Games? Forbes. 2016
>>> Lien - Quand Nadine Morano joue à Grand Theft Auto. Le Monde. 2009
>>> Lien - APA Reaffirms Position on Violent Video Games and Violent Behavior. 2020
>>> Lien - American Psychological Association (APA) – Task Force on Violent Media – Technical Report on the Review Of The Violent Video Game Literature. 2015
>>> Pdf - American Psychological Association (APA) – Task Force Report on Violent Video Games. 2019
>>> Pdf - Zero to eight: Children’s media use in America. San Francisco, Common Sense Media. 2013
>>> Pdf
L’Essentiel du jeu vidéo : Les jeux vidéo et les Français. 2024 – Article sur le site
>>> Pdf - Anderson CA, Shibuya A, Ihori N et al. Violent video game effects on aggression, empathy, and prosocial behavior in eastern and western countries: A meta-analytic review. Psychological Bulletin. 2010;136:151-73.
>>> Lien - Ferguson CJ, Kilburn J. The public health risks of media violence: a meta-analytic review. J Pediatr. 2009;154(5):759-63.
>>> Lien - Saleem M, Anderson CA, Gentile DA. Effects of prosocial, neutral, and violent video games on children’s helpful and hurtful behaviors. Aggressive Behavior. 2012;38:281-87.
>>> Lien - Happ C, Melzer A, Steffgen G. Superman vs. BAD man? The effects of empathy and game character in violent video games. Cyberpsychol Behav Soc Netw. 2013;16(10):774-8
>>> Lien - Krug EG, Mercy JA, Dahlberg LL, Zwi AB. The world report on violence and health. Lancet. 2002;360(9339):1083-8.
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