Dans son rapport sur « La transformation numérique de l’économie française », Philippe Lemoine rappelle le rôle majeur du secteur de la santé. Pour que la situation évolue, il convient de faire des patients des acteurs de leur santé et des professionnels de santé un moteur de la e-santé. Le big data devrait quant à lui être un levier d’innovations.
Après neuf mois de travaux, Philippe Lemoine, président du Forum d’action modernités et président de la Fondation internet nouvelle génération, a remis le 7 novembre dernier son rapport sur « La transformation numérique de l’économie française ». Un rapport qui propose « à la France, à travers ses entreprises et ses administrations, de saisir les opportunités offertes par le numérique » et dans lequel il rappelle que le numérique, s’il a des conséquences sur l’organisation du travail, est également un « formidable accélérateur et transformateur des modèles économiques« . Philippe Lemoine a donc établi 180 propositions à la fois innovantes et immédiatement transposables, « première pierre d’un agenda triennal numérique« . Elles se découpent en 9 projets sectoriels emblématiques pour une action immédiate, 53 mesures transverses à lancer à court terme et 118 recommandations qui ont vocation à alimenter l’agenda triennal. Et la santé y est l’un des secteurs pour lesquels le numérique « constitue un levier majeur de transformation« . Ainsi, dans son rapport, Philippe Lemoine dégage cinq tendances qui devraient structurer ce secteur dans les dix prochaines années : une évolution du modèle vers une médecine préventive et prédictive, des patients mieux informés acteurs de leur santé, des professionnels de santé connectés, co-acteurs d’un collectif de soins, une révolution des pratiques médicales grâce aux nouvelles technologies et un système de santé plus efficace.
Un écosystème d’innovation ouvert sur les maladies chroniques
Il propose donc, parmi les neuf projets emblématiques, d’établir un écosystème d’innovation ouvert sur les maladies chroniques, le suivi des patients et de la médecine prédictive, « en prenant appui sur les bases d’information de l’Assurance maladie et sur les données provenant de l’utilisation des objets connectés« . Une proposition issue du constat que les 30 maladies chroniques sous statut d’affections de longue durée (ALD) devraient représenter 70% des dépenses de l’Assurance maladie en 2015. Dans ce cadre, les objets connectés peuvent fournir une aide à la prévention ou à la surveillance. Ce projet, estime-t-il, doit s’articuler avec le projet de loi de Santé. La Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) comme « acteur central de la collecte de données de santé » y serait identifiée comme un « contributeur-clé du projet« . Par ailleurs, comme il ne nécessite pas de modifier les infrastructures existantes, ce projet peut être lancé rapidement et offrir ainsi des services dits connexes à l’offre existante, préfigurant peut-être « les futurs métiers des professionnels de la santé« .
Patients acteurs
Outre ce projet à action rapide, le rapport suggère quinze recommandations (de 51 à 65) retenues « pour leur cohérence avec les effets de la transformation numérique et leur impact potentiel sur la performance des secteurs« . Ainsi, pour amener les personnes à jouer un nouveau rôle, il propose d’encourager les communautés de patients de maladies orphelines à se constituer sur Internet, à s’insérer dans des filières d’expertise et de soins et à jouer un rôle dans les études de pharmacovigilance mais également de mettre en place des solutions numériques pour rapprocher les associations de patients et les communautés de soignants. De plus, des sites de classement des établissements de santé pourraient être créés et ouverts aux commentaires des patients et des usagers tandis que des modules de formation, type Mooc ou serious game, à destination des patients sur la prévention, par exemple, pourraient voir le jour. Deux recommandations permettraient quant à elles d’avoir un effet sur les nouveaux actifs issus des données. Premièrement, il conviendrait de structurer une filière autour des données de santé « dans le prolongement du projet de loi sur l’organisation du système de santé pour créer des services innovants en distinguant l’usage pour la recherche, l’usage pour la prévention et l’usage pour rendre le patient acteur de sa santé« . Deuxièmement, il faudrait mettre en place des procédures d’agrément des chercheurs aux données individuelles de santé dans des environnements confiants sécurisés.
Vers un parcours patients 100% numérique
En ce qui concerne les effets sur la productivité du travail et du capital, Philippe Lemoine formule six recommandations : lancer un réseau social d’échanges de pratiques entre professionnels de santé, développer une offre numérique à leur destination avec une formation aux usages, instaurer un réseau de formateurs aux pratiques numériques avec les syndicats professionnels concernés, créer des incubateurs de cabinets médicaux connectés pour innover en permanence, lancer un plan national numérique sur l’hospitalisation à domicile (HAD) donnant lieu à la structuration d’un pôle de compétitivité et, enfin, rembourser ou subventionner les objets connectés ainsi que les applications mobiles dont le rôle en matière de prévention est reconnu par les autorités. Dans ce cadre, une solution de labellisation des applications mobiles et des objets connectés pourra voir le jour. De plus, la promotion de la création d’espaces d’échanges à la fois virtuels et physiques qui réunissent patients, professionnels de santé, assureurs, industriels et start-ups pour construire de nouveaux services aurait un effet sur les coûts de transaction en les baissant. Enfin, Philippe Lemoine propose de créer des parcours patients 100% numériques : prise de rendez-vous et prescription en ligne, dématérialisation des ordonnances et des résultats d’analyse, paiement en ligne des consultations…
Autant de recommandations donc qui permettraient de faire évoluer le secteur de la santé et de répondre aux nouveaux usages et attentes des patients tout en accélérant ainsi la transformation numérique, indique le rapport. Il y est rappelé que les technologies sont « mûres, les initiatives innovantes et nombreuses » et que « les nouveaux usages se propagent« . Mais, pour l’heure, le système de santé français « dans son ensemble tarde à se consolider autour d’une véritable filière e-santé« . Pour que cela évolue, il conviendra de faire des patients des acteurs de leur santé, des professionnels de santé des « moteurs de la e-santé« , de la data un « levier d’innovation » du système de santé et de favoriser le rapprochement des acteurs « dans une logique d’innovation ouverte« .
Rapport téléchargeable ici
Article Publié le 13/11/14 – 15h05 – HOSPIMEDIA par Géraldine Tribault