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Jeux vidéo et santé visuelle : une fatigue largement sous-estimée

Par le MédecinGeek
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Les jeux vidéo occupent aujourd’hui une place centrale dans les usages numériques des Français. Pratiqués par une large majorité de la population, tous âges confondus, ils constituent un loisir désormais banal du quotidien, en particulier chez les jeunes adultes, dont une part importante joue très régulièrement, parfois chaque jour et pendant des durées prolongées. Cette diffusion massive s’accompagne cependant d’une sollicitation intense des sens, au premier rang desquels la vue, souvent sans que des réflexes de protection adaptés ne soient réellement intégrés. C’est dans ce contexte que l’étude menée par Krys en partenariat avec Ipsos-BVA a cherché à mieux documenter l’impact des pratiques de jeu vidéo sur la santé visuelle. Ce sondage, réalisé en octobre 2025 auprès de 1 500 répondants âgés de 18 ans et plus, représentatifs de la population française, met en évidence qu’une proportion significative de joueurs rapporte une gêne visuelle pendant ou immédiatement après leurs sessions de jeu, évoquant des symptômes typiques de fatigue visuelle. Ces résultats soulignent un décalage persistant entre l’intensité des usages numériques et l’attention portée à la protection des yeux, alors même que les écrans font désormais partie intégrante des loisirs.

Des symptômes typiques du syndrome de fatigue visuelle numérique

Les données issues de l’enquête Krys réalisée avec Ipsos-BVA montrent que 37 % des joueurs ressentent une gêne visuelle pendant ou immédiatement après leurs sessions de jeu, confirmant que la fatigue visuelle constitue une expérience fréquente et banalisée chez les utilisateurs de jeux vidéo. Les manifestations rapportées par les joueurs correspondent de façon très cohérente à ce que la littérature ophtalmologique décrit comme le syndrome de fatigue visuelle numérique. Sécheresse oculaire, picotements, brûlures, sensation de sable ou vision brouillée transitoire traduisent un dysfonctionnement fonctionnel de la surface oculaire et de la mise au point visuelle. Ces symptômes ne relèvent pas de lésions irréversibles de l’œil, mais d’un surmenage visuel lié à une fixation prolongée à courte distance, à une sollicitation continue de l’accommodation et à une réduction marquée du clignement spontané, phénomène particulièrement documenté chez les joueurs en situation d’immersion intense. Ces gênes oculaires sont les troubles de santé les plus fréquemment rapportés devant les céphalées ou les douleurs musculo-squelettiques, ce qui confirme leur place centrale dans l’expérience des joueurs .

Problèmes de santé ressentis par les joueurs – @Ipsos-BVA – Krys – 2026

Le rôle central du clignement, de la mise au point et de la concentration visuelle

Chez l’adulte, le clignement des yeux se fait naturellement une quinzaine à une vingtaine de fois par minute. Ce mécanisme automatique permet de répartir les larmes à la surface de l’œil et de protéger la cornée. Dès qu’une activité demande une attention visuelle soutenue, cette fréquence diminue nettement. Lors d’un travail sur écran classique, comme la lecture ou la bureautique, le clignement chute souvent autour de 5 à 7 fois par minute. Dans le cadre du jeu vidéo, en particulier lorsqu’il est immersif ou compétitif, cette diminution est encore plus marquée, avec parfois moins de 5 clignements par minute. Cette baisse du clignement favorise l’assèchement de la surface de l’œil. Les larmes s’évaporent plus rapidement, ce qui explique l’apparition de sensations de brûlure, de picotements, d’irritation ou de fatigue oculaire après une session de jeu.

Mais la fatigue visuelle liée aux jeux vidéo ne se limite pas à la sécheresse des yeux. En parallèle, l’œil est contraint de maintenir en permanence une mise au point précise sur un écran situé à courte distance. Pour y parvenir, les muscles internes de l’œil restent contractés de façon prolongée afin d’assurer une image nette, tout en réalisant de petits ajustements rapides pour suivre les mouvements, les changements de contrastes et l’action à l’écran. Les deux yeux doivent en outre rester parfaitement coordonnés pour conserver une vision confortable. Cette sollicitation continue représente un véritable effort pour le système visuel. Chez certains joueurs, notamment les enfants, les adolescents ou les jeunes adultes, cet effort prolongé peut entraîner une difficulté transitoire à relâcher la mise au point après le jeu. Il en résulte parfois une vision floue au loin pendant quelques minutes, des douleurs autour des yeux ou des maux de tête. Dans l’ensemble, ces mécanismes restent fonctionnels et réversibles. Ils n’endommagent pas l’œil, mais peuvent être très inconfortables. La fatigue visuelle liée aux jeux vidéo résulte ainsi d’une combinaison entre baisse du clignement, sécheresse oculaire et surcharge de la mise au point, le tout amplifié par une forte concentration visuelle.

La sous-estimation du temps de jeu comme facteur aggravant

Un autre élément clé mis en évidence est le décalage entre la perception subjective du temps de jeu et la réalité. La majorité des joueurs estime qu’une session raisonnable pour la santé visuelle ne devrait pas dépasser une heure, mais près de la moitié dépasse cette durée sans en avoir conscience. Ce biais de sous-estimation, bien connu dans les usages numériques immersifs, augmente mécaniquement l’exposition visuelle et limite l’adoption de gestes protecteurs. D’un point de vue clinique, cette difficulté à percevoir le temps passé constitue un facteur important de surcharge visuelle et peut participer à l’installation de symptômes persistants, notamment chez les joueurs les plus investis .

Lumière bleue, myopie et idées reçues

Contrairement à certaines idées largement diffusées, les données actuelles ne montrent pas de lien direct entre jeux vidéo et lésions rétiniennes. La lumière bleue émise par les écrans ne provoque pas de dommages structurels de l’œil dans les conditions d’usage grand public. En revanche, elle peut majorer la fatigue visuelle chez certains sujets sensibles et perturber le sommeil lorsqu’elle est utilisée en soirée, ce qui retentit indirectement sur la récupération oculaire.

Des règles simples de prévention encore peu intégrées

Les données de l’étude mettent en évidence un décalage net entre l’intensité des usages numériques et l’adoption de comportements de prévention visuelle. Si la majorité des joueurs déclarent prêter attention à leur audition, notamment en réduisant le volume sonore ou certains effets audio, la protection des yeux reste beaucoup moins ancrée dans les habitudes. Près de huit joueurs sur dix disent agir sur le son, alors que seuls la moitié ajustent la luminosité de l’écran ou utilisent des filtres visuels et qu’à peine un joueur sur quatre déclare faire des pauses visuelles régulières. Cette dissymétrie suggère que la prévention auditive a progressivement intégré le « répertoire naturel » du joueur, contrairement à la prévention visuelle, encore perçue comme secondaire ou contraignante.

Gestes de préventions chez les joueurs- @Ipsos-BVA – Krys – 2026

Dans ce contexte, la règle dite du 20-20-20 constitue un repère simple pour limiter la fatigue visuelle liée aux écrans. Elle repose sur un principe physiologique fondamental : l’œil humain n’est pas conçu pour maintenir durablement une mise au point à courte distance. En invitant à interrompre régulièrement la vision de près, elle permet de relâcher temporairement l’effort de mise au point et de favoriser la récupération visuelle. Ces pauses ont également un effet bénéfique indirect sur la surface de l’œil, en s’accompagnant d’un clignement plus spontané, contribuant à réduire la sécheresse oculaire fréquemment observée chez les joueurs.


Prévention visuelle : la règle des 20-20-20
L’exposition prolongée aux écrans force l’œil à maintenir une mise au point constante à courte distance et peut provoquer une fatigue visuelle. La règle des 20-20-20 est une méthode de prévention visuelle simple pour reposer sa vue : toutes les 20 minutes, faire une pause de 20 secondes en regardant un point situé à 20 pieds (= 6 mètres).

Conclusion

Sur le plan médical, la gêne oculaire liée aux jeux vidéo ne doit pas être considérée comme anodine. Elle constitue souvent l’un des premiers signaux d’un usage prolongé ou mal régulé des écrans. Chez certains joueurs, notamment ceux présentant des difficultés à interrompre leurs sessions, la fatigue visuelle s’inscrit dans un tableau plus global associant troubles du sommeil, céphalées et baisse de récupération. À ce titre, la plainte visuelle mérite d’être entendue comme un indicateur précoce, utile pour engager un dialogue sur les usages numériques avant l’apparition de conséquences plus marquées. D’un point de vue clinique, la règle des 20-20-20 doit donc être présentée comme une un outil pédagogique parmi d’autres, destiné à réintroduire une forme d’autorégulation visuelle.


Référence :

Étude Ipsos-BVA – 2025 pour la société KRYS
>>> Téléchargement de l’étude (Pdf : 1,2 Mo)


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